Aude MOREAU
Mon père collectionnait la mémoire de son père, lieutenant-colonel de l’armée française.
Il retraçait à l’endos des photographies, les noms des marchands d’armes, des hauts gradés et des politiciens, et plaçait dans un album ces portraits officiels. Dans une valise ouverte, il y avait pêle-mêle les photographies qui n’avaient pas retenu son regard. J’ai ramassé ce qui restait : des photos d’explosions.
L’une d’entre elles m’avait trompé l’œil : une explosion que j’avais prise pour un arbre. C’est le mirage de la matière en suspens qui m’avait induit en erreur.
Description :
Le projet traduit en 3 dimensions ce mirage de la matière en suspens. Redimensionnée à l’échelle de la salle d’exposition, ces premiers mètres d’explosion se fondent dans le plafond et remplissent la presque entièreté de la circonférence de l’espace laissant son centre vide.
Démarche
Mes interventions et installations tendent à traduire la spatialité de l’expérience physique du territoire en recyclant les expériences résiduelles « du tout utilitaire » et « du tout productif ». Opérant tant du point de vue conceptuel que dans les stratégies engagées par mes procédures de réalisation, ces expériences résiduelles sont souvent agencées par le biais de données topographiques ou cartographiques. The way you talk dresse la carte d’une de mes marches dans Paris à travers la transcription des mots entendus dans la rue. Topographie de la couleur résiduelle cartographie et recycle les restes des couleurs que les habitants de Montréal ont utilisés pour peindre leurs intérieurs. Tirer le ciel traduit la cartographie du ciel étoilé par de vrais impacts de balles de différents calibres suivant la magnitude des étoiles. Chacune de ces interventions détourne les finalités productives des stratégies de mesure du territoire et de sondage des activités humaines en recyclant « les espaces peu productifs » dans la sphère esthétique. Ce retournement de la productivité implique un certain scepticisme sur la volonté de se saisir « objectivement » du monde, et de positiver une transparence de l’information qui aurait fini par conquérir la presque totalité du territoire. Tout serait maintenant visible et lisible ou en processus de le devenir